jeudi, décembre 15, 2016

Chacun cherche son canari (Episode 1)

La mère de toutes les batailles (prospectives)


Ce matin, dans mon browser, un nouveau télescopage entre progressistes et décroissants a émergé.
Deux discours puissants et récurrents se regardent en chien de faïence depuis 40 ans.
A travers tous leurs avatars, on les croise un peu tous les jours, réchauffement climatique VS homme dans l'espace, Extinction massive des espèces VS taux de grande pauvreté mondiale historiquement très bas, Pollution atmosphérique VS progrès de la médecine ...
Mais là, ce matin la rencontre a été plus brutale que d'habitude.

 "Revue de web" du 1er Décembre 2016 : Le choc des titans

A ma gauche on trouve un article, tout frais, de vulgarisation des travaux de Meadow et du fameux club de Rome.
A ma droite on trouve les progrès dans l'IA qui portent la croissance.

Le club de Rome, si inquiétant, si caricaturé, si déformé, et malheureusement,  finalement si pertinent.
L'IA, le Graal, l'émergence d'une nouvelle forme de vie, plus intelligente, plus raisonnable, ne reposant plus sur la molécule de carbone, mais "Siliconée", qui permet, en plus de créer des emplois!

La confrontation est paroxystique.  

C'est une confrontation parce-que les deux visions sont incompatibles. C'est soit l'un, soit l'autre.
 - Soit la modélisation de Meadow qui modélise un point de rupture, au delà duquel, l'industrie décroit très fortement
- Soit le progrès technologique, pour tous, sans freins et sans fin,  (l'IA, c'est comme le chocolat, pas d'industrie pas d'IA).

C'est paroxystique, parce que la modélisation de Meadow et l'IA sont les aboutissements des deux visions antinomiques.

La mère de toutes les batailles prospectives, donc.

Rien de nouveau

Ce n'est pas nouveau, "la croissance infinie dans un monde fini est impossible" soutiennent les rejetons clubistes de toutes obédiences (bobos écolos, post cocos, végans, peakistes, écologistes, deep écologistes, ...), quand les autres, portés par le mouvement fort de la croissance depuis des décennies (siècles),  les accusent de Malthusianisme.

Même si ce n'est pas la direction choisie par les politiques ni par la masse des consommateurs / électeurs, la raison scientifique semble pencher, de prime abord, sans ambiguïté du côté des premiers, ("pas d'infini dans du fini!").
  "Semble" car les seconds peuvent aligner, malgré la force du slogan décroissant, des arguments forts.


Malthus, d'abord, s'était trompé. C'est indéniable. Et après tout, la créativité dans la contrainte peut peut-être sortir l'homo sapiens sapiens de situations délicates de nouveau!

 Ensuite la problématique de "finitude", s'exprime souvent à travers la notion bien connue de "Peak oil". Les optimistes, ici, alignent de nombreux arguments:

 - La terre n'est pas un monde fini. Un flux continuel d'énergie, venu du soleil, l'alimente. C'est d'ailleurs ce flux, grâce à la photosynthèse, qui a permis la création des stocks d'énergie (Bois, Pétrole, Charbon et Gaz) que nous exploitons aujourd'hui.

- Des sources d'énergie énormes existent sans doute sur Terre et sont inexploitées. Finie d'accord, mais dans très longtemps ! Ainsi, dans la lignée des découvertes sur la fission atomique et la fusion (qui n'est pas encore exploitée, et heureusement!, mais ca ne durera peut-être pas), peuvent probablement s'ajouter des éléments énergétiques de la matière. 1 M3 de terre contient sans doute une quantité d'énergie colossale, sous forme de liaisons atomiques, que nous sommes incapables d'exploiter aujourd'hui.

 - Les économies d'énergie.  L'espoir repose sur le fait que les progrès techniques permettront, de réduire la quantité d'énergie nécessaire pour réaliser la même chose. Si on pense isolation thermique  résidentielle c'est très pertinent. Et des disruptions, comme l'Internet des objets (IoT) ou le réseau de distribution d'électricité « intelligent. » (Linky...) peuvent apparaitre  et transformer radicalement notre consommation d'énergie. 

Un chiffre utile pour appréhender l'ensemble est le PIB/unité d'énergie. D'après la banque mondiale, ce chiffre progresse. Mais si on regarde ce chiffre sur la dernière période (15 ans) c'est moins évident.
S'ajoute de toute façon l'effet rebond qui enterre systématiquement les réductions. L'effet rebond est un mécanisme

- Les énergies renouvelables (qui, à l'exception de la géothermie profonde, sont toutes liées au flux solaires sus évoqués), sur lesquelles les "croissantistes" fondent de très nombreux espoirs. Éoliennes, panneaux solaires, énergies maritimes (vagues, marées, courants) représentent des sources d'énergie substantielles. Et il est vrai que le flux solaire inondant le seul Sahara, est consistant, en ordre de grandeur avec nos besoins énergétiques actuels. Un bémol évident, même si des solutions sont envisagées, l'intermittence reste un problème majeur.
Des projets portés par des industriels existent d'ailleurs pour exploiter le filon.


 Reste à exploiter ce potentiel d'énergie renouvelable.... Et de manière massive, pour compenser le déclin pétrolier et même augmenter les volumes. Car il ne suffit pas de rester constant!
Puisque la ratio PIB / unité d'énergie n'augmente pas, la croissance nécessite une augmentation de la quantité d'énergie disponible ( Si l'on prends la tendance longue de progression du ratio de 1% / an. En admettant que cette progression continue, ce qui semble faux, à énergie constante on aurait donc une croissance max de 1%/An.), et surtout si l'on tient compte de l'augmentation de la population.

Cela est d'ailleurs illustré par cette corrélation utilisée par Gail Tverberg (nous y reviendrons plus tard)


Si on ajoute à la problématique énergétique, la notion de "Peak all" (Métaux, ressources halieutiques ...), l'ensemble penche en faveur des "déclinistes".
 En effet, comment réaliser, en masse, de nouvelles installations, comme des grosses éoliennes, ou des panneaux solaires, quand le minerais nécessaire est de moins en moins disponible?

La complexité

S'ajoute aux considérations sur les ressources, la problématique de la complexité. Avec plus d'énergie, on fait certes plus de kilomètres pour le même prix. Mais surtout on invente des solutions de plus en plus complexes, à réaliser, et à maintenir. L'IA est un bon exemple: pour fonctionner il est nécessaire de développer des puissances de calculs toujours plus grandes, et les systèmes complexes sont très difficiles à maintenir. Internet est un bon exemple. Les métiers sont de plus en plus spécialisés. Les architectures de plus en plus distribuées. Mais finalement, les étages que l'on ajoute créent moins de PIB/Unité d'énergie, la raison principale étant que les solutions les plus simples sont en général celles qui ont été été inventées en premier..

Et il est également plus difficile de maintenir les processus et systèmes. Les exemples sont innombrables, en logistique par exemple, le Just In Time permet d'économiser de l'espace de stockage, mais nécessite pour fonctionner correctement une couche de technologie, qui permet de gérer les approvisionnements et les flux de manière dynamique, au travers d'applications et de processus très élaborés.


J'essaierai dans l'article suivant de traiter de la notion d'effondrements et d'indicateurs (nos fameux canaris).